On va parler dans cet article des fameuses droites de charges parce c'est vraiment pas dur.
Considérons le schéma suivant :
Fichier(s) joint(s):
triode.png
On voit ici un montage très classique d'une triode en charge d'anode dit « cathode commune » qui signifie que sur les trois électrodes de la triode, la cathode est celle qui ne “bouge” pas, elle est toujours à la référence zéro volt autrement appelée “masse”. C'est un montage très couramment utilisé comme amplificateur de tension. On a omis le circuit de chauffage de la triode pour des raisons de clarté car si son rôle physique est essentiel, son rôle électronique est au mieux négligeable devant les comportements qui nous intéressent.
Le montage est alimenté par une haute tension nommée ici B+ qui est de l'ordre de quelques centaines de volts ( entre 200 et 400V ) et une différence de potentielle est maintenue entre la cathode (0V) et la grille par un générateur variable placé de façon à garder la grille 
négative par rapport à la cathode. L'anode de la triode est chargée par une résistance 
Ra et entre les deux on place un condensateur dit « de liaison » dont on verra le rôle plus tard, pour l'instant on dira qu'il est là pour bloquer la haute tension qui règne sur l'anode du tube. 
Quelles sont les tensions aux bornes des différents éléments ?Premier constat : le tube et la résistance 
Ra sont en série de l'alimentation 
B+ donc
- le courant qui les traverse 
est identique et est noté ici 
Ia.
- la somme des tensions aux bornes du tube et de la résistance 
Ra vaut 
B+ soit : 
Vak + Vra = B+ Or, d'après la loi d'ohm 
Vra = Ia × Ra donc 
Vak + ( Ra × Ia ) = B+ ce qui permet facilement de déduire 
Vak = B+ - ( Ra × Ia ) Gardons cela en tête pour l'instant et intéressons nous au tube. Une triode agit un peu comme un robinet d'intensité commandé par sa tension de grille : plus la différence de potentiel Vgk est négative, plus le tube « se ferme » et donc moins il laisse passer de courant. Moins il laisse passer de courant plus 
Ia est faible et donc 
Vra est petite ( puisque 
Vra = Ia × Ra) et donc 
Vak est grand.
Plus 
Vgk se rapproche de zéro et plus le tube est passant donc plus 
Ia est grand et donc plus 
Vra est grand donc plus 
Vak est petit. 
Prenons un cas concretPrenons la fameuse 6SN7 ( la 6N8S chez les russes ) dont les courbes sont données pour être les suivantes :
Fichier(s) joint(s):
6SN7.gif
Le graphe donne l'intensité qui traverse le tube en fonction de la tension 
Vak pour chaque tension de grille 
Vgk donnée ( 0v, -2V, -4V etc. )
Alimentons la avec B+ = 350V et Ra = 22k et réglons 
Vgk à -8V. La valeur du courant qui traverse le tube ( et donc Ra ) va suivre la courbe donnée pour Vgk = - 8V et le tube va chercher à s'ouvrir le plus possible. On voit sur le graphique que plus le tube va laisser passer de courant et plus 
Vak va augmenter. Oui mais plus 
Ia augmente et plus 
Vra va augmenter également ( 
Vra = Ra × Ia ) et la somme de leur tension ne peut pas dépasser la tension d'alimentation puisque 
Vak + Vra = B+. Comment trouver le point d'équilibre de notre système ?
Il suffit de rapporter la tension aux bornes de la résistance sur le graphique en inverse puisque nous avons vu que 
Vak = B+ - ( Ra × Ia ) et constater où elle croise la caractéristique du tube, c'est à dire le point où l'intensité qui les traverse est égale :
Fichier(s) joint(s):
6SN7-01.gif
La courbe rouge est la tension aux bornes de la résistance 
Ra en fonction de l'intensité qui traverse le tube ( puisque c'est la même qui les traverse tous les deux ). Si par exemple 
Ia vaut 7mA alors la chute de tension aux bornes de la résistance 
Ra vaudra environ 150V ( 0,007A × 22000 ohms = 154V ) il ne reste alors plus que 200V pour 
VakCette courbe nous permet de trouver facilement la solution pour Vgk = -8V et Ra = 22k alors le montage se stabilise avec environ Vak = 230V, Vra = 120V et Ia = 5,5mA c'est ce qu'on appelle 
le point de fonctionnement.
Que se passe-t-il maintenant si on module 
Vgk via notre générateur variable entre -6V et -10V ? Notre schéma reste toujours vrai car cela va moduler l'intensité qui traverse le montage et celle ci traverse toujours 
Ra :
Quand Vgk atteindra -6V, on voit que 
Vak vaudra 200V contre près de 260V pour 
Vgk = -10V. En d'autres termes, en faisant varier de 4V la grille de notre tube nous avons fait varier sa tension d'anode de 60V : nous avons amplifié la variation de tension !
On comprend alors que plus il y a variation de tension d'anode pour une variation de grille donnée alors plus notre tube amplifie. Ce coefficient est appelé 
gain du tube et est noté 
µ. On voit d'après les courbes qu'il n'est pas le même partout car les courbes sont bien espacées pour des petites valeurs de 
-Vgk et s'aplatissent pour des valeurs plus négatives. En général, les datasheet donnent une valeur de µ 
moyenne pour un 
point de fonctionnement donné, pour la 6SN7 il vaut environ 22.
Oui mais nous avons chez nous une amplification qui vaut 60V pour 4V soit environ 15 et pas 22, que se passe-t-il ? C'est simple : le tube possède une imperfection : 
une résistance interne c'est ça qui fait que la tension monte à ses bornes en fonction de l'intensité qui le traverse. Cette résistance interne ( notée 
Ri ) crée un pont diviseur de tension avec 
Ra : nous ne voyons donc qu'une fraction de la tension qui s'établit suite à l'augmentation du courant, je vous passe le calcul, la formule du gain est 
Gain = µ × Ra / ( Ri + Ra ) Or 
Ri n'est pas linéaire, il varie aussi en fonction du débit du tube et donc sa valeur n'est pas la même en tout point du graphique. Là encore, 
une valeur moyenne est donnée par les constructeur aux abords d'un 
point de fonctionnement donné. Certains donnent 
Ri en fonction de 
Ia et pour 5,5mA cela donne 7,5 kohm. Donc 
Gain = 22 × 22 / ( 22 + 7,5 ) = 16 on retombe à peu près sur nos pieds, nous allons comprendre pourquoi.
L'idée maintenant est de récupérer cette tension amplifiée sur l'anode du tube pour en faire quelque chose. C'est là que nous commençons à nous intéresser à la droite du schéma : le condensateur de liaison noté 
C et le montage sensé exploiter notre signal amplifié d'impédance d'entrée 
Zin. Lorsque la tension d'anode du tube ne varie pas, le condensateur bloque le courant continue et rien n'arrive de l'autre coté.  Supposons le condensateur parfait, dès que le courant va varier sur l'anode du tube alors le condensateur va répondre à la variation de tension à ses bornes par une réaction en intensité. Cette intensité va faire apparaître une tension aux bornes de 
Zin ( car 
U = Z × I toujours… ) nous allons alors juste retrouver la variation de tension aux bornes de 
Zin Oui mais ça se paye une variation d'intensité qui traverse le condensateur car un condensateur se remplit et se vide toujours symétriquement. Si la tension à ses bornes diminue alors il se décharge en émettant du courant et si la tension à ses bornes augmente il se charge en prélevant du courant. 
Cette intensité est donc prélevée ou ajoutée à Ia. Autrement dit, tout se passe comme si en régime dynamique on venait de rajouter 
Zin en parallèle à 
Ra La valeur de Zin est souvent élevée car il s'agit dans la plupart des cas de la résistance de grille de l'étage suivant. Posons dans notre exemple 
Zin = 100 kohms. La résistance dynamique perçue par le tube est donc de 22 // 100 soit 18 kohms.
Fichier(s) joint(s):
6SN7-03.gif
Refaisons maintenant le calcul du gain Gain = 22 × 18 / (18 + 7,5)  = 15,5
Autre problème : comme notre capacité n'est pas parfaite, son impédance change en fonction de la fréquence, elle est maximale pour des fréquences faibles ( c'est pour ça qu'elle bloque les tensions continues ) et proche de zéro pour des fréquence très haute. Couplée à l'impédance d'entrée Zin elle va donc créer un filtre passe-haut dont la fréquence de coupure vaut 
1 / ( 2 × Pi × Zin × C ). Posons C = 100nF alors la fréquence de coupure de notre filtre vaut 16Hz c'est à dire qu'à cette fréquence, le voltage récupéré aux bornes des 
Zin est la moitié de qu'il devrait être. On pourrait être tenté de mettre des grandes valeurs de capacité pour avoir la plus grande bande passante possible, ça dépend de ce que l'on cherche à faire, ne pas amplifier les fréquences trop faibles est souvent un avantage, tout est -- encore une fois -- affaire de compromis.
Petite synthèse de mi-parcoursJusqu'à présent nous avons vu comment tracer la droite de charge du montage en cathode commune où le tube commandé en tension par sa grille fait varier le courant qui le traverse et qui est transformé en tension par la résistance d'anode ( également appelée charge d'anode ). On a vu pourquoi ce montage amplifiait la variation de tension de grille et comment récupérer cette variation de tension amplifiée et à quel prix.
Grandeurs physiques en œuvre dans ce montageDans l'exemple précédent, la triode était chargée par une résistance théorique 
dynamique de 18kohm ce qui donnait un gain de 15,5 au montage. Comment pourrait-on faire pour augmenter le gain du montage ? Puisque 
Gain = µ × Ra / (Ri + Ra ) l'idée serait d'augmenter 
Ra de façon à ce que 
Ri devienne négligeable devant lui. De cette façon là on aurait 
Gain = µ × Ra / Ra = µ et le montage aurait le gain théorique maximal du tube. Une résistance très grande aurait une caractéristique proche de l'horizontale sur notre graphique :
Fichier(s) joint(s):
6SN7-04.gif
On voit sur le graphique qu'avec une telle résistance de charge on arrive à moduler de 190V à 270V soit 80V pour 4V sur la grille ce qui donne un gain de 20 et nous avons vu que cela était le µ du tube. Nous venons donc de trouver une méthode graphique pour déterminer µ, à ce point de fonctionnement, il est de 20 et non pas 22 comme initialement pensé, car la datasheet donne ce µ pour un autre point de fonctionnement ( Ia = 9mA, Vak = 250V, Vgk = - 8V ). 
On comprend également en regardant ce graphique que cela va être difficile de proposer une telle charge à la triode pour au moins deux raisons : 
- cela va nécessiter une tension d'alimentation très peu réalisable ( plusieurs kV )
- cela pose une contrainte sur l'impédance d'entrée de l'étage suivant.
Si on continue cependant à plancher sur la théorie, nous venons de déterminer que le gain du tube est son facteur d'amplification 
en tension à 
intensité constante pour une variation de 1V sur sa grille. Mais un tube est avant tout un robinet de courant. Que trouvons nous si nous cherchons à déterminer la variation 
de courant à 
Vak constant pour 1V sur la grille ?
Fichier(s) joint(s):
6SN7-05.gif
Il est visible que selon le sens dans lequel nous faisons varier Vgk, la variation d'intensité n'est pas la même, nous pouvons néanmoins en arrondissant l'erreur de l'erreur arriver à une valeur de 2mA/V c'est à dire qu'une variation de 1V sur la grille va faire varier le débit du tube d'à peu près 2mA ( à Vak constant ) à ce point de fonctionnement. Des mA/V ? Une intensité divisé par une tension ? C'est exactement l'inverse d'une résistance ( loi d'ohm encore ) 
U = R × I donc 
R = U / I c'est à dire des volts par ampère. C'est pour cela que la grandeur que nous venons de déterminer s'appelle 
la conductance du tube. On trouve également les appellations de “transconductance” ou bien “pente” ( il s'agit de la pente de la tangente de la courbe d'intensité à ce point ) ou encore 
Gm et elle peut être valuée en en “mho” ( inverse de “ohm”, unité Ʊ et ses sous divisions milimho mƱ et micromho µƱ ) ou en Siemens ( unité S avec ses sous divisions mS et µS ).
Nous avons déterminé la pente en A.V⁻¹ et le facteur d'amplification µ en V.V⁻¹ ( V / V ça s'annule, µ est donc une grandeur sans unité ) nous pouvons désormais déterminer l'impédance interne du tube 
Ri à notre point de fonctionnement car ces trois grandeurs sont liées : 
Ri × Gm = µ ⇔ Ri = µ / Gm ce qui donne une résistance interne 
Ri = 20 / 0,002 A.V⁻¹ = 10 kohm à ce point de fonctionnement.
Nous pouvons ainsi recalculer le gain réel en tension de notre montage au point de fonctionnement choisi. Avec 22 kohm sur l'anode et 100 kohm d'impédance d'entrée du montage suivant, nous l'avons vu, l'impédance dynamique est de 18 kohm. Le gain du tube est de 20 au point de fonctionnement et sa résistance interne de 10 kohm. 
G = µ × Ra / ( Ri + Ra ) = 20 × 18 / 28 = 12,9ConclusionNous avons vu quelles étaient les grandeurs physique qui régissent les tubes et comment déterminer une approximation de ces valeurs d'après les graphiques souvent bien imprécis des data sheet. Il a été établi que ces grandeurs ont des valeurs bien différentes selon le point de fonctionnement autour duquel on amène les conditions à varier. Le cas de la conductance qui varie très vite quand l'intensité monte est un exemple visible qui permet de penser qu'une amplification en intensité à ce point là donnerait un signal dissymétrique à l'arrivée. L'amplification en tension donne aussi de la distorsion, moins visible mais présente. C'est pour cela que le choix du point de fonctionnement doit être choisi avec soin et l'amplitude du signal à amplifier est une donnée cruciale de la détermination de ce point. 
Si on gardait le même montage mais qu'on échangeait en aveugle la 6SN7 par une 6SL7 par exemple ( µ = 70, Gm = 1,7mA.V⁻¹ ), il est impensable d'imaginer que “par accident” cela créerait un résultat imprévu par les ingénieux concepteurs qui serait miraculeusement bon. En revanche il est possible que par accident cela crée de la distorsion plaisante à l'oreille ( ordre 2, à l'octave ) mais nous ne sommes plus dans de la haute-fidélité.